[RECENSION] Rooted in the Real

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Geert Bekaert, Rooted in the Real: Writings on Architecture, Gand, WZW Editions and Productions, 2011. Sous la dir. de Christophe Van Gerrewey.
Recension parue dans, Critique d’art en ligne, 2012.
[TEXTE INTÉGRAL]

Paradoxalement considéré en Belgique (ce « pays sans architecture[1] » où fleurissent les maisons individuelles) comme l’artisan d’une conscience proprement belge de son architecture[2], le critique et historien Geert Bekaert (né en 1928) est une figure intellectuelle de premier plan dans le monde néerlandophone et au-delà – certains de ses textes ont déjà paru en anglais et en français. Ce recueil, dirigé par Christophe Van Gerrewey, vient cependant combler un manque important dans la réception internationale de sa pensée. Entre 1985 et 2011, ses œuvres complètes(Verzamelde opstellen) ont été publiées en langue originale (néerlandaise): neuf volumes rassemblant articles, essais et monographies, depuis ses débuts en tant qu’auteur dans les années 1950 jusqu’à aujourd’hui. Rooted in the Real propose ici une sélection d’écrits traduits en anglais et organisés en quatre parties. Le soin apporté au graphisme, et à la construction du livre, fait honneur à la pensée de celui qui considère l’activité d’écriture elle-même comme architecturale (voir entre autres à ce sujet l’article que G. Bekaert consacre à Dante).La première partie rassemble des textes théoriques approchant la question de l’essence de l’architecture et de la possibilité – ou plutôt, de l’impossibilité – de la définir de manière absolue puisqu’elle est toujours le fruit d’un contexte en devenir et face auquel l’architecte doit se (re-)positionner tout en gardant une cohérence ; la deuxième comporte des contributions monographiques sur des architectes belges tels que Stéphane Beel, Luc Deleu, Bob van Reeth ou le collectif bruxellois 51N4E ; la troisième est constituée de textes parus dans la revue amstellodamoise Archis (aujourd’hui devenue Volume) s’intéressant à des projets localisés hors de la Belgique comme la gare TGV de Lyon-Satolas par Santiago Calatrava, le Carré d’art à Nice par Norman Foster, un Kindergarten à Francfort par ToyoIto, ou encore le mémorial dédié à Walter Benjamin à Portbou par Dani Karavan; la dernière partie contient des essais sur des architectes internationaux: Rem Koolhaas, Aldo Rossi, Frank O. Gehry, Tadashi Kawamata, Wiel Arets, avec même, pour finir, un texte dédié à la fortune de Le Corbusier.Intellectuellement marqué par l’Existentialisme (Martin Heidegger, Jean-Paul Sartre), mais également par Paul Valéry, Georges Bataille, W. Benjamin, G. Bekaert voit en l’architecture l’activité la plus à même – grâce à sa capacité à être à la fois dans le réel et le produire – de réconcilier ce qui semble (désormais) séparé: théorie et pratique, high et low culture, intérêts nationaux et universalisme, modernisme et post-modernisme. Tout dans cette anthologie participe avec efficace du même projet : faire la lumière sur cette pensée politique de l’architecture à travers des textes différant à la fois dans leur style et leur objet mais travaillant avec la conscience du contexte dans lequel ils sont engagés, à l’image des architectures et des architectes dont ils parlent. Si l’ensemble de la démarche de G. Bekaert s’origine dans la situation belge, sa portée et sa pertinence restent étrangères à toutes frontières.
Clara Pacquet
Notes
[1] Voir Bekaert, G. « Belgian architecture as commonplace. The absence of an architectonic culture as a challenge », Wonen-TA/BK (1987), présenté dans l’anthologie Rooted in the Real.
[2] G. Bekaert réalise en 1971 à Bruxelles la première rétrospective sur l’architecture belge : Bouwen in België 1945-1970/Construire en Belgique 1945-1970.