“Capriccio cherche comtesse”, exposition personnelle de Sarah Tritz à Bétonsalon – Centre d’art et de recherche, Paris, 15 mars-17 mai 2008.
Texte pour le carton d’invitation :
Les pièces de Sarah Tritz se présentent comme des ensembles composites travaillés par un rythme inédit qui à chaque fois leur est propre. Ce rythme, proche de l’humeur, telle une musique intérieure, vient organiser du dedans tout un jeu de formes qui, sitôt sorties de cette organisation bricolée, retourneraient à leur indistinction initiale. Du dehors, l’ensemble peine à s’accorder, rien ne bouge. La vision hésite, on bute, on s’étonne de certaines affinités présumées. Des éléments semblent même jurer. Du dedans, ils prennent tous place. Une circulation s’impose, le regard trace son chemin et des liens s’animent. Nous sommes invités à éprouver.
C’est que l’ensemble fonctionne de manière organique. Le moteur de ce grand déploiement du vivant est l’imagination. Une imagination épaulée par une volonté d’ordonner. La matière, c’est-à-dire ce qui reste des expériences passées, se compose de toutes sortes de documents, autobiographiques ou fictionnels, c’est selon, et d’objets trouvés, modifiés, fabriqués. Cette matière première mijote quotidiennement pour ensuite être construite et reconstruite au gré des installations nouvellement présentées. Donner forme à la vie, à sa vie, est une tâche qu’il faut toujours recommencer. En ce sens, on assiste à un déploiement en perpétuelle expansion qui met en branle un réseau dynamique entre un rapport affectif au monde et une exacerbation du ressenti traduit par des formes naviguant sans cesse entre une apparition plate et bidimensionnelle, entièrement vouées à la vue, et la recherche d’une plasticité dédiée au toucher, le tout pris dans un effort de combinaison afin que l’ensemble tienne debout. Les choses se figent. De ce tout, émerge alors une invitation à réanimer ce jeu de formes qui nous apparaissent de fait comme « à demi mortes ». Après la toute puissance créatrice du jeu, on en appelle à l’autre. Sans cela, rien n’existerait.
Il faut prendre Sarah Tritz au mot. Et le titre l’annonce : elle se place sous le signe du caprice. Qu’est-ce à dire ? Le caprice, ou capriccio, désigne un genre pictural que l’on rattache habituellement au rococo, et dont la particularité est de présenter des paysages parsemés de ruines. Ces ruines sont pour la plupart inventées, tronquées et combinées selon les besoins de composition du tableau, ou simplement reprises d’édifices existants mais toujours replacées dans un contexte de fiction cultivant le goût du bizarre, des associations étranges et fantasques. Finalement, sont toujours peintes des architectures imaginaires. Au premier abord, on croit y voir une ode au passé. Très vite, c’est le sentiment historique qui prédomine, les événements sont filtrés et reformés par l’artiste dont les procédés de transformation n’appartiennent qu’à sa fantaisie. Il semblerait que Sarah Tritz partage quelque air de famille avec le caprice. Mais ne voyons pas là tout un programme. Plutôt une autre musique, l’initiation d’un nouveau rythme en quête de résonances.
Clara Pacquet