[REVIEW] Art and Subjecthood

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Isa Genzken, Nefertiti, 2014. Courtesy Galerie Daniel Buchholz, Berlin, Cologne. Vue de l’exposition Isa Genzken. Nouvelles œuvres, Museum der Moderne Salzburg, 2014. Photo: Rainer Iglar © VG-Bild Kunst, Bonn 2016.

Art and Subjecthood: The Return of the Human Figure in Semiocapitalism, sous la dir. de Daniel Birnbaum, Isabelle Graw, Nikolaus Hirsch, Berlin, Sternberg Press, 2011.

Recension parue dans, Critique d’art en ligne, 2012.

[TEXTE INTÉGRAL]

Isabelle Graw organisa en 2011 avec Daniel Birnbaum et Nikolaus Hirsch à la Städelschule de Francfort un symposium sous le titre : Art and Subjecthood : the Return of Human Figure in Semiocapitalism. De ce colloque est né un petit ouvrage rassemblant des contributions de Hal Forster, Caroline Busta, Michael Sanchez, Ina Blom et Jutta Koehler, toutes accompagnées du commentaire dont elles avaient fait l’objet le jour du colloque (Stefan Deines, Stefanie Heraeus, Magdalena Nieslony, Oliver Brokel).

Le titre fait directement référence à deux auteurs placés au centre du débat : d’une part, à Michael Fried et son célèbre texte de 1967 : Art and Objecthood ; et d’autre part, au théoricien marxiste Franco Berardi et son concept de marchandisation des signes qui fait commerce de nos âmes, qu’il nomme sémio-capitalisme. Les auteurs se proposent ici de réévaluer, à travers le rôle toujours plus central de la figure humaine au sein de productions contemporaines qui concilient minimalisme et anthropomorphisme, les rapports sujet/objet dans le contexte capitaliste du culte voué à la marchandise, notamment en ce qu’ils permettent de comprendre mieux les signes que produit la société et la manière qu’ont les artistes de travailler avec ou contre eux.

Fétichisme, animisme, avatar, appropriation, travestissement, networking, sont autant de termes que l’on retrouve au fil des textes pour définir non pas ce qui relèverait d’une subjectivité, mais d’une « subjectité » que l’on pourrait d’abord interpréter comme l’indication d’une aliénation des sujets. Fried voyait déjà en 1967 dans l’art minimaliste une attitude anthropomorphiste, c’est-à-dire reposant sur un mécanisme théâtral de représentation (admettant la définition peu nuancée qu’il donne du théâtre) : une illusion, fruit d’un espace scénique bien délimité, en quête de présence pure, qui n’est finalement rien d’autre qu’un sentiment, réduisant l’œuvre à un objet soumis à un public doté du pouvoir de faire exister la fiction de son autonomie.

Par la transformation de l’objecthood en subjecthood, le recueil se veut une tentative de révision des relations qu’entretiennent sujet et objet sans les enfermer dans une opposition stérile. Une affinité les relierait secrètement faisant se croiser leurs attributs, jouant parfois à se travestir l’un l’autre, pour former l’espace d’une subjectité : lorsque le sujet s’objectalise, ou lorsque les objets s’animent et semblent s’exprimer, comme en témoigne l’usage du mannequin par exemple dans les installations d’artistes telles que celles de Thomas Hirschhorn ou de John Miller, ou encore, dans l’alliage du minimalisme avec un anthropomorphisme assumé chez Isa Genzken ou Rachel Harrison. A la lecture des textes, si une chose retient parmi beaucoup d’autres notre attention, c’est la mise à jour d’un phénomène qui tend à gagner toujours plus de terrain : celui d’œuvres-quasi-sujets que l’on veut croire bien vivantes, avec des désirs et des volontés, réhabilitant ainsi leur autonomie perdue.

Clara Pacquet

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