[CATALOGUE TEXT] Paul Sochacki

“Autonomie Zoo / échappée belle,” accompanying text (among others) for the exhibition catalog by Paul Sochacki Gurbet, Günther-Peill-Stiftung/Leopold-Hoesch-Museum Düren, Cologne, StrzeleckiBooks, 2019.

Autonomie
Beauté
Ces
Dadas
Encore
Femelles
Galopent
Hors
Idéal
Je
Kaléidoscope
Le
Moment
Neuf,
Ouvre
Peut-être
Que
Revoir
Satan
Transfigurerait
Un
Vilain
Western
X-idées,
Yo-yo,
Zoo
Yang,
Xyloglossie
Wolof,
Vaudou
Utopique ?
Traduire
Suppose
Rapidement
Que,
Pour
Orchestrer
Notre
Moi-monde,
Lunatique,
K.O.,
J’
Intervertisse
Hasards
Grimaçants,
Fabuleuses
Ecologies
Désirable ou Dehors,
Cette
Belle
Autonomie

Petit poème, frise ornementale, décor de saynète. Du haut vers le bas, lister dans l’ordre, déployer des mots, fruits mélangés du hasard et de la nécessité. Partir du A, descendre jusqu’au Z pour retourner vers le A, puis relire dans l’autre sens et produire une boucle, dont on ne sait si elle se ferme ou s’ouvre. Ramasser le texte en boule comme un hérisson. Mini cosmos, munduculum.

L’autonomie réelle ou désirée du sujet et de l’œuvre d’art naît concomitamment en Europe au siècle des Lumières. Ces deux expressions de l’autonomie (du grec ancien αὐτός– soi – νόμος– loi) ne sauraient, dans un système idéalement démocratique, se penser l’une sans l’autre. Et pourtant, le produit de l’art ne cesse de vouloir en apparence se détacher de son géniteur de sujet plus couramment baptisé individu et foyer des ambivalences les plus assassines. L’œuvre, puis l’art surtout – avec ou sans œuvres, voire préférablement sans – clament tous les deux, comme enroulés autour d’un soi impersonnel et salvateur, leur indépendance vis-à-vis de l’artiste, du destinataire, des normes esthétiques et morales. Ils réclament leur liberté vis-à-vis des instrumentalisations politiques, économiques, et défendent même leur singularité sémiotique : concernant telle forme ou telle image, on n’oserait trop rapidement assigner à résidence une signification préfabriquée. L’autonomie vis-à-vis de l’ordre bourgeois, de la dictature du prolétariat, du marché, de l’État, des collectionneurs, des institutions muséales ou artistiques, des instances de financements, du discours, des récits, de l’auteur, du genre, de l’empire colonial, de la race, du réel, de la vie, du mythe, de la représentation, du monde de l’art et ses mondanités, des pulsions narcissiques, de la célébrité, des réseaux sociaux, de la presse, de la critique d’art, de la pensée. Et la liste n’est pas complète.

Forclos dans un immense bocal hermétique et cauchemardesque au scénario voulu darwinien, plus grand monde n’y croit vraiment. Serrer les dents, sortir les crocs, louvoyer, renifler, vampiriser. Ni combat sanglant, ni jardin cultivé, les désirs d’autonomie sont classés et exhibés selon un vieillot modèle comparable à un zoo de l’avant-dernier siècle. Exotisme taxinomiste dans la collection des espèces, cette manie d’exposer le vivant a pu reposer sur une privation de liberté au nom d’une production de connaissance. Tandis que l’idée ou la forme du zoo s’avèrent aujourd’hui diablement dépassées, on ne sait de l’autonomie si elle s’éteint, végète ou se réinvente dans les ruines d’un capitalisme globalisé assujettissant, dont seules les crêtes brillent pleines de paillettes. Paralysé devant tant de puissance, il se retrouve à contempler l’aube de sa propre disparition, et celle du monde avec.

Clara Pacquet, April 2019