[REVIEW] Initiales: GM

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Initiales : GM, énsba-Lyon, Dijon, Les presses du réel, 2013.

Recension parue dans, Critique d’art en ligne, 2013.

[TEXTE INTÉGRAL]

Fruit d’une rencontre entre Emmanuel Tibloux, directeur de l’Ecole des beaux-arts de Lyon, et les critiques d’art Claire Moulène et Jean-Max Colard, la revue Initiales sort son premier numéro. Le principe de la revue consiste à consacrer chaque livraison à une personnalité sous la forme d’un portrait éclaté. Cette fois-ci : « GM » comme George Maciunas. Outre l’actualité des célébrations autour de Fluxus à l’occasion des cinquante ans du mouvement, la rédaction ne pouvait faire de meilleur choix pour son lancement que de s’intéresser à l’« impresario » de Fluxus qui est une figure éclatée par définition, difficile à classer et dont la fonction même est d’exacerber le paradoxe d’une pluralité de l’individu, insaisissable et équivoque, venant déjouer les catégories de l’individualisme ravageur mises en place par l’idéologie capitaliste et dans laquelle presque rien ne résiste face à la force unificatrice de la marchandise et son pseudo-mystère.
 
George Maciunas a occupé les rôles tout aussi différents de graphiste, architecte, designer, agent immobilier, artiste, galeriste, éditeur, ou encore historien de l’art. Tenter son portrait ne peut se faire sur un autre mode que sur celui proposé par Initiales, c’est-à-dire un ensemble de circonvolutions se mouvant autour d’un centre lui-même en mouvement permanent. Il est intéressant en ce sens de remarquer que le choix porté sur George Maciunas participe activement de la conception de la revue, comme si l’artiste lui-même – plus précisément son « esprit », comme nous l’invite à penser un entretien réalisé en 2002 par le commissaire et écrivain Raimundas Malasauskas en présence d’un médium new-yorkais (« Life after Life and after », p. 37-41) – s’était invité dans le projet d’une manière encore plus active que ne l’avaient imaginé les initiateurs de cet hommage.
 
George Maciunas vient bienveillamment hanter Initiales et la façon dont s’articulent les contributions adhère à la croyance d’une circulation des esprits et des formes, par-delà les différences très marquées de chacun. Ce principe de l’éclatement et de l’infini des facettes se montre garant d’une joyeuse hétérogénéité créatrice d’une connaissance fragmentée : artistes,historiens de l’art, commissaires, écrivains, enseignants, étudiants – certaines de ces fonctions étant souvent rassemblées en la même personne, ou inversement, circulant d’une personne à l’autre – ont fabriqué à cette occasion toute une gamme de produits ambigus allant de l’essai à l’entretien, réel ou imaginaire, passant par le témoignage, la conversation ou le point de vue, mais aussi le compte-rendu, en textes, en images ou en sons (la revue est accompagnée d’un supplément DVD comprenant un film et un entretien audio de George Maciunas). Les manières de faire, de traiter, de lire ou de comprendre l’artiste et son héritage sont parfois fidèles, parfois non, et réjouissent par l’énergie qu’elles insufflent à l’ensemble.
 

Reste à attendre le deuxième numéro – consacré à John Baldessari – afin de voir si l’énergie circonvolutive de ce beau début saura rejouer la partie avec la même justesse.

Clara Pacquet

Site de la revue: http://www.revueinitiales.com/